Tous les prix, salaires et profits inclus, n’ont en commun que d’être des valeurs d’échange marchand.
1. Sur tous les marchés, celui de l’emploi compris, les échanges sont par définition marchands.
On peut dire des prix auxquels ces échanges se règlent qu’ils sont des valeurs d’échange aussi bien marchand qu’économique, étant entendu que l’ensemble de ces échanges est un sous-ensemble défini des échanges sociaux. L’économie ne s’en trouve pas circonscrite à ce qui est relatif à ces échanges, car certains de leurs termes (de l’argent, des biens) font en masse l’objet de transferts.
2. Les rémunérations du travail ont leurs propres déterminants.
Les chapitres 8 et 9 ci-dessus, respectivement sur la répartition (de plus haut niveau, pays par pays) et sur le salaire (toute rémunération du travail), exposent quels sont pour l’essentiel ces déterminants. L’ajustement par les prix entre l’offre et la demande d’emplois n’est pas le principal déterminant des rémunérations du travail. En revanche, une loi économique qu’un peuple gagne à faire volontairement fonctionner est celle du partage du revenu total du travail par la clé de répartition que constituent les égalités et inégalités de salaires.
3. Les rémunérations des placements ont leurs propres déterminants.
Les chapitres 6 et 10 ci-dessus, respectivement sur le profit (les bénéfices des entreprises) et sur les intérêts (quand leur taux directeur est de profit), exposent quels sont ces déterminants. L’ajustement par les prix entre l’offre et la demande de placements n’est pas le principal déterminant des hauteurs des rémunérations des placements.
4. Ricardo a le premier tiré de la notion générale de rareté le concept de rareté économique.
Du quatrième au sixième paragraphe de la section 1 de son chapitre 1, On Value, de On The Principles of Political Economy, and Taxation, Ricardo a écrit (ci-dessous en italiques et avec débuts de ligne calés sur la gauche ; traduction en français, qui est mon fait, en caractères droits avec fins de ligne calées sur la marge droite) :
Il y a des marchandises dont la valeur d’échange n’est déterminée que par leur rareté. Nul travail ne peut augmenter la quantité de tels biens et leur valeur d’échange ne peut pas baisser par suite d’une augmentation de leur offre. Des statues et des peintures fameuses, des livres et des médailles rares, des vins de grande qualité qui ne peuvent être faits que de raisins cultivés sur des sols particuliers dont il n’existe qu’une très petite quantité, sont tous de cette sorte. Leur valeur d’échange est entièrement indépendante de la quantité de travail qui a été originellement nécessaire pour les produire et dépend des inconstantes fortunes et envies de ceux qui ont le désir de les posséder.
Ces marchandises, cependant, constituent une très petite part de la masse de celles qui sont quotidiennement échangées sur le marché. De loin le plus grand nombre des marchandises qui sont l’objet de nos désirs procèdent d’un travail [tel qu’elles] peuvent être multipliées, non dans un seul pays mais en beaucoup, à peu près sans aucune limite assignable quand on est disposé à y consacrer le travail nécessaire à leur obtention.
En parlant donc des marchandises, de leur valeur d’échange et des lois qui régissent leurs prix relatifs, nous n’avons en vue que celles de ces marchandises dont la quantité peut être accrue par l’exercice de l’industrie humaine et sur la production desquelles s’exerce une concurrence sans entrave.
5. Une marchandise est économiquement rare quand elle ne peut pas, définitivement ou temporairement, être produite à volonté par l’industrie humaine.
L’espace foncier, et plus généralement l’immobilier, dès lors qu’ils font l’objet de mises en vente et d’expropriations indemnisées par la force publique, constituent une marchandise rare dont l’importance sociale et les retombées économiques sont considérables. Parmi les autres ressources engendrant de la rareté économique, il y a bien sûr, outre des pierres précieuses, des minerais et des combustibles d’origine fossile. Leurs exploitations créent et entretiennent des mannes aux frais des acheteurs des produits tirés de ces ressources : qui de nos jours n’a jamais entendu parler de rente pétrolière et n’a jamais constaté à plusieurs reprises quelques-uns de ses effets ?
6. La cherté d’un grand nombre de marchandises vendues par les entreprises est, sauf entraves à la concurrence, ramenée vers son niveau suffisant par l’égalisation des rentabilités de même appartenance.
À ces niveaux suffisants, les chertés d’un grand nombre de marchandises achetées aux entreprises sont en proportion de quantités de travail et d’investissements. L’enseignement politique à en tirer est incontestable. L’organisation des marchés de placement d’épargne et de ceux sur lesquels les entreprises vendent doivent avoir pour effet de délier les entraves à l’égalisation des rentabilités de même appartenance.
7. Donner pour cause à toute valeur d’échange marchand la rareté et pour instrument universel de sa détermination l’ajustement entre offre et demande est pseudo scientifique.
David Ricardo a eu raison d’ajouter à la distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange, repérée par Adam Smith, l’observation de la différence entre marchandises rares et marchandises reproductibles à volonté par l’industrie humaine. Les néoclassiques ont contourné l’une et l’autre de ces distinctions, pensant ainsi faire avancer l’économie politique, mais hélas sans voir que leur mathématisation subjectiviste éloigne de la vraie science économique. Cette dernière ne contrevient à aucune réalité vérifiable quand elle enseigne que tous les prix exprimés en une quantité de monnaie n’ont rien de plus en commun que d’être des valeurs d’échange marchand.